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Réforme des retraites : et maintenant ?…

Alors que la loi sur les retraites vient à peine d’être promulguée, il est temps de faire le point sur ce qu’elle contient vraiment et notamment de s’apercevoir que le relèvement d’âge de départ légal à 64 ans n’est pas automatique, et donc pas définitif.

Nous l’avons déjà dit, cette réforme permet de pérenniser notre système de retraite par répartition, en comblant le déficit annoncé par le Conseil d’Orientation des Retraites en 2030 et en corrigeant certaines inégalités du système actuel. Elle permet aussi de réduire à terme le déficit structurel de 30 milliards d’euros de notre régime, compensé chaque année par des surcotisations de l’Etat qui viennent directement un peu plus aggraver notre dette.

Pour garantir aux générations futures un modèle de retraites aussi redistributif que celui dont nous bénéficions aujourd’hui, il est de notre responsabilité de ne pas transmettre un système largement déficitaire. C’est une responsabilité morale vis-à-vis des générations futures, qui supportent d’ores et déjà le poids d’une dette publique colossale.

Par le relèvement de l’âge de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation, lesquels resteront inférieurs à la situation de bon nombre de nos voisins européens, nous assurerons cet équilibre budgétaire à l’horizon 2030. La loi promulguée par le Président met aussi fin, de manière progressive, à la plupart des régimes spéciaux. Aujourd’hui, ceux-ci jouissent de règles dérogatoires, particulièrement en matière de départs anticipés, qui n’ont plus de justification au vu de l’évolution des métiers et ne sont plus comprises par les Français.

En dehors du recul d’âge de départ légal à la retraite qui n’est pas définitif (j’y reviendrai plus tard), dire que cette loi est plus injuste que le système actuel est un mensonge éhonté. Voyons en les principaux acquis après promulgation et sanction du Conseil Constitutionnel.

Concernant la retraite des femmes et les droits familiaux

Pour mieux corriger les inégalités subies par les femmes au cours de leur carrières (interruptions de carrière, moindres revenus) de nombreuses mesures d’accompagnement leur sont dédiées.

  • L’amendement porté par le groupe Démocrate permettra de prendre en compte les périodes de congé maternité dans le calcul de la retraite, et ce dès le 1er septembre 2023 pour toutes les futures retraitées.
  • Une autre disposition de la loi crée une surcote d’un an avant l’âge légal (5% par an) pour les femmes bénéficiant de droits familiaux au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants.
  • Pour celles ayant commencé tôt leur carrière, les périodes de congés parentaux seront mieux intégrées au dispositif dit de carrières longues. A l’issue de la réforme, les âges de départ à la retraite des hommes et des femmes seront très proches, bien que plus faibles pour les femmes. Les retraitées actuelles seront également plus nombreuses à bénéficier de la revalorisation des petites retraites (estimée à 670 euros par an en moyenne).

    Cette réforme des retraites renforce aussi significativement les droits familiaux :
    • Instauration d’une pension de réversion pour les orphelins, avec des mesures spécifiques pour les enfants en situation de handicap.Extension de la majoration de 10 % pour trois enfants aux régimes de base des libéraux, avocats compris.Majoration de 10 % pour trois enfants dans la fonction publique en cas de décès d’un enfant avant ses neuf ans et majoration des trimestres éducation en cas de décès de l’enfant avant ses quatre ans.Encadrement à deux du nombre maximal de trimestres au titre de l’éducation pouvant être partagés entre la mère et le père (les deux autres étant attribués à la mère).
  • Possibilité, laissée à l’appréciation du juge, de supprimer les droits familiaux des parents en cas de condamnation pénale pour des faits de violence commis sur un enfant.

➢ Concernant ceux qui ont commencé tôt ou exerçant des métiers pénibles

Afin de mieux tenir compte des différents parcours de vie, les personnes ayant commencé à travailler avant 21 ans pourront partir en retraite dès 43 ans de cotisation, dès lors qu’elles remplissent les conditions d’éligibilité au dispositif dit de carrières longues (notamment l’atteinte d’un âge légal spécifique fixé entre 58 et 63 ans). Grâce à la mobilisation conjointe du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) et d’autres groupes parlementaires, il est ainsi mis fin à une situation criante d’injustice.

Les personnes dont la vie active a commencé tôt, parfois dès avant 16 ans, n’auront demain pas à être légalement soumis à une durée d’assurance supérieure aux autres, ce qui était le cas avant cette réforme.

Pour ceux dont l’état de santé ne leur permet pas de poursuivre une activité professionnelle, la réforme sanctuarise la possibilité de partir à 60 ans à taux plein en cas d’incapacité permanente.

La reconnaissance de la pénibilité et de l’usure professionnelle est fortement améliorée avec :

  • L’assouplissement des conditions d’utilisation du compte pénibilité, lequel pourra en outre financer un congé de reconversion professionnelle.
  • La création d’un fonds de prévention doté d’un milliard d’euros, afin de mieux identifier les métiers physiquement pénibles et d’établir des actions de prévention. Un fonds spécifique sera mis en place pour les métiers de la santé.

➢ Concernant la revalorisation des petites pensions

Pour le groupe Démocrate, cette mesure, parfois présentée de manière insuffisamment claire, représente une avancée significative et un réel effort pour les finances publiques (1,7 milliard d’euros). Le recul de l’âge de départ à la retraite s’accompagne par conséquent d’un meilleur niveau de retraite pour les plus modestes.

Sans la réforme, compte tenu des déficits, le niveau de vie des retraités pourrait baisser de 20 % en valeur relative par rapport aux actifs. Ainsi, pour les retraités actuels, la retraite minimale de base sera relevée d’un montant pouvant s’élever jusqu’à 100 euros par mois, à condition d’avoir cotisé au moins 30 ans.
Cette revalorisation bénéficiera à 1,8 million de personnes, pour un gain moyen estimé de de 600 euros par an. Parmi ces 1,8 million de retraités, 250 000 atteindront un montant de retraite équivalent à 85 % du SMIC net.

Pour près d’un futur retraité sur quatre (200 000 personnes par an), l’augmentation de leur retraite s’élèvera à 400 euros en moyenne par an pour les dix premières générations, puis 560 euros par an en moyenne pour les générations suivantes. Suivant les classes d’âge, de 10 000 à 40 000 retraités par an verront leur retraite augmenter jusqu’à 100 euros par mois.

➢ Concernant l’emploi des seniors

Le soutien de la puissance publique à l’emploi des seniors représente un investissement crucial pour l’avenir.

Augmenter de 10 % le taux d’emploi des seniors d’ici à 2032 aurait un impact positif de 48 milliards d’euros sur les finances publiques. Aussi, face à l’impératif de mieux intégrer les seniors au marché de l’emploi, plusieurs dispositifs ont été adoptés par le Parlement.

Un amendement du groupe Démocrate, adopté à l’Assemblée nationale et repris par les sénateurs, prévoit ainsi d’instaurer une mutualisation des coûts liés aux maladies professionnelles qui se déclenchent avec un effet différé, afin d’inciter les entreprises à embaucher des seniors.

➢ Concernant la reconnaissance de l’engagement citoyen et la valorisation de trimestres

Dans l’objectif de mieux tenir compte au moment de la retraite de l’engagement au cours de la vie, plusieurs dispositifs vont être instaurés :

  • Une nouvelle assurance vieillesse des aidants va être créée. Elle rendra possible des validations de trimestres pour les personnes contraintes de réduire ou d’interrompre leur activité professionnelle pour aider un proche ou un enfant.
  • Notamment sous l’impulsion du groupe Démocrate, le rachat de trimestres d’études supérieures sera facilité, pour permettre d’augmenter le montant des retraites des personnes entrées tardivement sur le marché du travail du fait de leurs études.
  • Les périodes de stage de « travaux d’utilité collective (TUC) » ou d’apprentissage (pour les carrières longues) seront également intégrées dans la comptabilisation de la durée de cotisation.
  • Enfin, l’acquisition et la validation de trimestres seront facilitées pour les sapeurs-pompiers volontaires, les sportifs de haut niveau et les élus locaux.

➢ Concernant l’amélioration des transitions entre l’activité et la retraite

L’accès à la retraite progressive, qui permet de liquider une partie de sa retraite (par exemple un jour par semaine) et de passer à temps partiel sera généralisé. Les salariés, les fonctionnaires et les indépendants pourront y avoir recours. Le cumul emploi-retraite, qui bénéficie aujourd’hui à 500 000 retraités, permettra d’ouvrir des droits supplémentaires à la retraite en cas de reprise d’activité. Il sera également possible de mobiliser dès 60 ans son compte de formation, pour travailler à temps partiel tout en percevant l’entièreté de sa rémunération.

L’âge de départ légal à la retraite à 64 ans est-il définitivement entériné ?

Non, parce que tout d’abord cet âge de départ légal à 64 ans ne sera effectif pour tous qu’en 2030.

Non, parce que le Modem et plusieurs autres groupes parlementaires ont réussi à introduire une clause de revoyure à l’automne 2027. Cette clause prévoit de réunir entre autres des parlementaires, les syndicats et le Conseil supérieur des Retraites pour faire le point sur l’équilibre financier de la sécurité sociale et de notre régime de retraite par répartition. A l’issue de ce point d’étape, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les parlementaires valideront ou non l’application de l’âge de départ légal à la retraite à 64 ans en 2030.

Tant et tant de choses à faire et à penser. Tant et tant de progrès sociaux que nous ne pourront obtenir qu’en travaillant main dans la main avec les organisations syndicales, les élus de l’arc républicains et les acteurs de la société civile. Cela ne sera pas facile, mais c’est absolument nécessaire.

bruno millienne, député des yvelines

Comment faire pour que malgré la loi l’âge de départ légal à la retraite de 64 ans ne soit jamais mis en application ?

Ce n’est pas le système de retraite qui créé les inégalités, mais bien le travail. Si nous voulons éviter que l’âge de départ légal à la retraite soit de 64 ans, nous n’avons pas d’autres solutions que d’augmenter le nombre de cotisants (partant du principe que l’augmentation des cotisations et la baisse des pensions sont des options à écarter). Pour ce faire, nous avons besoin d’une très grande loi sur l’organisation du travail qui nous permettra non seulement de gommer les inégalités existantes, mais également de prendre en compte le nouveau rapport que nous avons au travail, notamment après la crise Covid, dans la façon dont nous l’organisons. Cette loi devra aborder frontalement les questions de l’égalité salariale entre homme et femme, de l’emploi des séniors, des carrières hachées, et proposer des mesures volontaristes pour enfin y répondre avec efficacité. Nous devons en la matière changer de logique en s’inscrivant dans le cadre d’une obligation de résultats, et non de moyens…

Cette loi devra aussi ouvrir la voie d’une plus grande capacité d’adaptation de notre monde du travail aux nouvelles technologies qui mois après mois modifient la nature de nos emplois. Elle devra aussi permettre de créer la flexibilité et les passerelles nécessaires à la mobilité professionnelle. Nous devons en finir avec l’assignation à un métier tout au long de la vie ! 

Tant et tant de choses à faire et à penser. Tant et tant de progrès sociaux que nous ne pourront obtenir qu’en travaillant main dans la main avec les organisations syndicales, les élus de l’arc républicains et les acteurs de la société civile. Cela ne sera pas facile, mais c’est absolument nécessaire.

La guerre des égos démesurés et des positions de défiance doit prendre fin pour qu’enfin nous puissions travailler ensemble à améliorer les conditions d’emploi de nos concitoyens. Il y a urgence !

Bruno Millienne,
Député des Yvelines

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